La culture populaire regorge de représentations souvent fantasques de la génétique. Tantôt capable de transformer via des radiations un humain en super-héros, comme dans le célèbre comic de Marvel L’incroyable Hulk, tantôt moyen d’atteindre un idéal eugéniste dans le film Bienvenue à Gattaca réalisé par Andrew Niccol... ou encore représentée comme une science libérée de toutes contraintes techniques dans L’ile du docteur Moreau, roman adapté au cinéma en 1996 par John Frankenheimer.
Derrière le rideau, la réalité scientifique est néanmoins bien loin de ces versions populaires...
Et pop ! Une mutation !
Une histoire de gene-ethique
Les rayons gamma peuvent-ils
nous transformer en super-héros ?
Célèbre mastodonte vert né en 1962 de l’imagination de Stan Lee, Hulk est un super-héros récurrent des comics Marvel. Avant d’être doté de super-pouvoirs, Bruce Banner était un brillant chercheur en physique nucléaire. Lors de l’explosion d’une bombe nucléaire sur laquelle il travaillait, il fût exposé à une dose massive de rayons gamma qui transformèrent son génome lui conférant une force surhumaine. Que sont réellement les rayons gamma et peuvent-ils objectivement nous transformer en surhommes ? L’exposition au rayons gamma peut-elle vraiment nous faire devenir tout vert ?
© Marvel Comics - Immortal Hulk, T1
Lorsque le noyau d’un atome se trouve dans un état énergétique instable, celui-ci produit des photons à longueur d’onde très courte : les rayons gamma. Il s’agit d’une onde électromagnétique, comme la lumière, les rayons X ou les ondes radio. Cependant, les rayons gamma sont bien plus dangereux. En effet, les rayons gamma sont extrêmement pénétrants, ils nécessitent des épaisseurs de blindage très importantes pour en être protégés. Un simple accident peut provoquer des lésions majeures sur l’organisme et les cellules. Ils peuvent provoquer des mutations génétiques en interférant avec l’ADN : exposés aux radiations gamma, les brins d’ADN se cassent, entraînant cancers et maladies héréditaires. Lorsque le brin d’ADN est endommagé, il peut se réparer dans la limite de ses capacités, mourir ou se “suicider” dans un processus appelé “apoptose”.
La propriété des rayons gamma de tuer des cellules vivantes, appelée ionisation, est cependant très utile dans de nombreux domaines. Dans le milieu médical, on utilise les rayons gamma pour stériliser le matériel chirurgical, mais aussi pour traiter des patients atteint de cancers en radiothérapie. La technique couteau-gamma en chirurgie consiste à envoyer des rayons gamma vers les cellules cancéreuses pour les tuer. Dans le domaine agro-alimentaire, les rayons gamma permettent de préserver les aliments plus longtemps en détruisant les bactéries responsables de la dégradation de la fraîcheur. Les rayons gamma composent également une partie du rayonnement cosmique, nous pouvons observer des sursauts gamma : des explosions dont la puissance est équivalente à plus d’un milliard de milliards de soleil ! Rassurez-vous tout de même, la majeure partie des rayonnements gamma sont arrêtés par l’atmosphère terrestre !
À priori, aucun risque donc de vous transformer en surhomme vert bodybuildé ou en tout autre joyeuseté sortie tout droit de l’imagination d’un scénariste un peu trop zélé ! Ouf, sauvé !
La génétique permet-elle
de créer l'être humain parfait ?
Bienvenue à Gattaca est un film mettant en scène la manipulation génétique dans le but de créer des êtres parfaits. Grâce à une technique de “tri” des gamètes, ce sont les parents qui peuvent choisir le patrimoine génétique de leurs enfants et par conséquent leur futur. Sans défauts, ces enfants pourront alors accéder aux plus hautes sphères de la société, y compris Gattaca, un centre d’études et de recherches spatiales réservé aux être possédant un patrimoine génétique plus que parfait.
© Visuels du film Bienvenue à Gattaca - réalisé par Andrew Niccol, 1997
La possibilité de créer des êtres parfaits grâce à des manipulations génétiques est une question qui se pose notamment en vue des avancées scientifiques en génétique. Avec les progrès de la recherche en génétique, de nouveaux outils ont vu le jour, dont CRISPR-CAS9. Véritable paire de ciseau moléculaire, cette protéine est capable de modifier la structure de l’ADN d’une cellule. Supprimer, inactiver, couper les séquences d’ADN sont maintenant des possibilités ouvertes aux laboratoires de recherche. En novembre, un chercheur chinois a utilisé la technique CRISPR-CAS9 pour donner naissances aux premiers bébés OGM (organismes génétiquement modifiés) protégés du VIH. En effet, la protéine permettrait d’amener une version modifiée d’un gène, qui une fois traduit empêcherait l’entrée du virus VIH dans les cellules.
Ce genre d’expérimentations pose cependant d’importants problèmes éthiques. Utiliser la manipulation génétique pour empêcher une maladie est une belle promesse mais qui reste contrebalancée par les effets néfastes que peut apporter cette technique. De plus en plus généralisée, la méthode d’édition du génome CRISPR-CAS9 peut amener à des utilisations plus enclin aux débats : choisir la couleur des yeux, ou bien rendre plus intelligent ou plus fort. Il devient alors facile de créer des idéaux mais par conséquent d’augmenter les inégalités sociales.
De nombreuses règles techniques et éthiques régissent la science et la recherche notamment dans les disciplines directement applicable à l’humain comme la génétique. La création d’êtres parfaits n’est donc pas pour aujourd’hui ni pour les années à venir...
La manipulation du génome est-elle
si simple à réaliser ?
Unique survivant d’un naufrage, Edward Douglas échoue sur l’île en apparence paradisiaque d’un généticien de renom nobélisé, le Docteur Moreau, qui s’adonne en secret à des manipulations génétiques pour créer des êtres mi-humains mi-animaux terrifiants. L’Île du Docteur Moreau est une des oeuvres de science-fiction majeure. Le roman de science-fiction écrit par H.G. Wells en 1896 a connu de nombreuses adaptations cinématographique, notamment, en 1996, un long-métrage de John Frankenheimer avec Marlon Brando et Val Kilmer où le Docteur Moreau est un généticien génialement fou.
© Visuel du film Île du Docteur Moreau - réalisé par Richard Stanley & John Frankhenheimer, 1996
L’image de la génétique telle qu’elle est proposée dans L’Île du Docteur Moreau est celle d’une discipline spectaculaire, à grand renfort d’éclairs et de d’images de foetus dans le formol. Le Docteur Moreau s’adonne sur une île des mers du sud, dans un laboratoire sommaire, à des expérimentations qui l’amène à mêler humain et animal dans un même corps. La génétique est une discipline qui suscite la fascination et le questionnement : le généticien est régulièrement représenté comme un savant fou, souhaitant par ses manipulation se rapprocher du pouvoir divin, capable de cloner, modifier le génome, greffer et faire évoluer des cellules dotés d’une simple paire de ciseaux et d’un tournevis.
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