Semaine de culture scientifique du 17 au 21 janvier 2017
PORTRAITS DU TEMPS
Temps de lecture : 2 minutes
Écrit par Aurélie Meilhon
Quand le temps devient philosophie
Christophe Bouton est professeur de philosophie à l’université Bordeaux Montaigne et chercheur au laboratoire sciences, philosophie, humanités (SPH) de Bordeaux. Intrigué par la fugacité du temps, il en a fait son principal sujet de recherche. Rencontre.
L’un de vos axes de recherche porte sur la question du temps dans la philosophie moderne et contemporaine. Qu’est-ce qui vous a orienté vers ce sujet ?
Cette question du temps m’a intéressé très tôt car je trouvais le sujet à la fois très commun et très difficile. Pour moi, c’était un challenge intellectuel et philosophique. J’ai fait ma thèse sur la question du temps chez Hegel (1) car à travers sa notion de négativité (2), c’est l’un des rares philosophes à souligner aussi clairement la dimension du passage constant des événements présents dans le passé.
Je suis également convaincu que le choix d’un sujet de recherche est souvent lié à l’histoire de la personne, et quand j’ai rencontré ce concept de négativité, il me parlait. J’ai dû avoir une sorte de nostalgie du passé, peut-être de l’enfance, le sentiment de perte de moments heureux lié aussi à l’expérience de la mort, de la disparition.
De manière plus générale, pourquoi le temps est-il source de questionnements ?
Je pense que c’est une question très concrète, et qui en même temps intéresse par un effet de curiosité intellectuelle, car les réponses ne sont pas aisées.
Dans notre société actuelle la question du temps est devenue plus importante. À partir de la seconde moitié du 18e siècle, il constitue une variable économique optimisable. Dans la tête des gens, il représente une denrée précieuse qu’il faut rentabiliser et qu’il ne faut pas perdre. Tout cela est dû à des normes sociales qui sont beaucoup liées au capitalisme. Au 20e siècle se développe aussi un souci du passé et de l’avenir davantage éthique et politique. Le devoir de mémoire, lié aux guerres très meurtrières et aux génocides, fait apparaître la figure d’un passé qui doit être remémoré. La problématique du réchauffement climatique, quant à elle, impacte le rapport à l’avenir : le destin des générations futures inquiète. Le futur devient un objet de réflexion.
Vous parliez de normes sociales, étudier ce sujet vous permet-il de prendre de la distance vis-à-vis de ce temps imposé par la société ? Vos travaux influencent-ils votre quotidien ?
Le fait d’avoir conscience de certains mécanismes me permet d’y résister, du moins d’essayer.
L’approche pratique du problème du temps implique une conception de l’avenir en arborescence : nous avons des choix qui mènent vers différentes directions. Si l’on vit trop dans l’urgence, pour des raisons souvent liées aux conditions de travail, nous n’avons plus le temps de réfléchir aux différentes options. Alors j’essaye de tenir compte de mes propres analyses : quand une deadline m’est imposée je vérifie qu’elle soit justifiée, j’évite d’en imposer aux autres, et je coupe mes e-mails le week-end et pendant mes vacances.
Pour conclure, au vu de votre expérience, comment définiriez-vous le temps ?
Il est difficile de définir un concept de temps univoque, il existe différentes conceptions du temps en fonction des différents courants philosophiques et scientifiques. À ma connaissance, l’une des choses que l’on retrouve dans tous les domaines, c’est l’idée de succession : le temps, c’est ce qui empêche que tout arrive au même moment.Georg Wilhelm Friedrich Hegel, philosophe allemand (1770 - 1831) théorisé par Hegel, concept qui fait référence au passage constant des événements présents dans le passé
(1) Georg Wilhelm Friedrich Hegel, philosophe allemand (1770 - 1831)
(2) théorisé par Hegel, concept qui fait référence au passage constant des événements présents dans le passé