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L'ère du temps, médiation scientifique par les Dealers de Science

Semaine de culture scientifique du 17 au 21 janvier 2017

PORTRAITS DU TEMPS

Ancre 1
L'ère du temps, médiation scientifique par les Dealers de Science - Portraits interviews témoignages Anna

Temps de lecture : 2 minutes

Écrit par Héloïse Morel

La vie vagabonde sur les trottoirs bordelais

Rencontre avec Anna*, une jeune fille de 19 ans qui vit dans la rue depuis un an. Coupée du rythme social dicté par la société, quel est son temps ?

Bordeaux, rue Sainte-Catherine, jeudi 1er décembre vers 16 h 30, les gens flânent, les jeunes peuvent enfin s'échapper de l'antre du lycée. Certains pensent à leur calendrier de l’avent, mais Anna*, 19 ans, fait la manche avec son chien Bavaria, onze mois et celui d'un ami. « Il s’appelle 8-6, comme la bière ! Il est gros mais il a seulement huit mois ! »

Cela fait un an qu'Anna vit dans la rue, enfin pas tout le temps, elle loge dans un squat à Bègles avec sept autres locataires clandestins. Au début, interloquée, elle demande de quel journal il s’agit. Amusée de la démarche, elle lance à ses amies : « je suis interviewée sur la façon dont je gère mon temps ! ». Elle raconte le déroulement de ses journées. « Le matin, je me lève quand je veux, sauf parfois je travaille dans un programme de réinsertion pour jeunes, je fais une heure par semaine, ce qui me force ce jour-là à me lever plus tôt ! » En dehors de cette contrainte, les journées d'Anna sont libres. Elle se lève, prend une douche et lave ses vêtements, dans un centre situé vers Saint-Michel. Ensuite, direction le centre-ville pour faire la manche. « Mon rythme est décalé, je n'ai aucune obligation dans la rue mais j'ai quand même une routine. Mais je n'ai pas d'horaires, je fais la manche quand j'ai faim ou quand j'ai besoin d'un peu d'argent. »

« Oh mais vous m’apprenez que je suis bien organisée ! »

« Être dans la rue n'a pas été un choix mais c'est devenu une liberté, je suis de Libourne et j'ai un peu voyagé : Rennes, Caen et Aurillac pour le festival des arts de la rue. Mais je reviens toujours à Bordeaux. Je sais que je ne veux pas rester dans la rue jusqu'à 40 ans comme certains. Je remarque bien que ceux qui se droguent sont complètement décalés. » Anna confie qu’elle ne se drogue pas ou très peu. En comparaison aux autres personnes croisées dans la rue, elle trouve que son rythme n’est pas si différent. Lorsque l’hiver est là, elle rentre à la nuit tombée et se couche rapidement. « Je vis au rythme du soleil ! Je me couche lorsqu’il n’est plus là, vers 19 h, et je me lève quand il se lève ! Mais bon, ce n’est pas tous les jours comme ça… ! » Si ce n’est une journée par semaine, Anna choisit son rythme, elle fait ce qu’elle veut.

Finalement au fil de la discussion, Anna réalise qu’elle a un quotidien organisé, plus qu’elle ne l’imaginait. « Je ne suis pas la seule, il y a d’autres personnes vivants dans la rue qui ont le même fonctionnement que moi ! Oh mais vous m’apprenez que je suis bien organisée ! » Elle explique qu’elle ne peut pas faire autrement, pour ne pas décrocher. Pour survivre, il faut qu’elle soit dans la rue au moment où les personnes qui travaillent finissent leur journée et passent devant elle pour lui donner éventuellement une pièce, une cigarette ou de la nourriture.

*prénom modifié

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