Semaine de culture scientifique du 17 au 21 janvier 2017
PORTRAITS DU TEMPS
Temps de lecture : 3 minutes
Écrit par Sandrine Camus
Marie-Pierre Chopin chorégraphie la recherche
Enseignante-chercheure bordelaise d’adoption, Marie-Pierre Chopin s’intéresse à la place du temps dans la diffusion des savoirs. Rencontre avec une passionnée de recherche en éducation et… de danse contemporaine.
Pour Marie-Pierre Chopin, le mot temps évoque culture et savoir : « un trio indissociable, un mouvement incessant qui façonne la société ». Cette professeure de l’université de Bordeaux y est également directrice de la faculté des Sciences de l’éducation et chercheure au laboratoire Cultures et diffusion des savoirs. Triple fonction, agenda bien rempli. C’est pourtant avec une voix apaisante et un sourire éclatant qu’elle résume son parcours : doctorat en 2007, maître de conférences en 2008 et professeure des universités en 2015. Marie-Pierre Chopin mène brillamment sa carrière en parallèle de sa vie de maman de jumelles de 20 mois. Cet art de gérer son temps est-il lié à sa thématique de recherche ? Depuis sa thèse, elle s’intéresse à la « temporalité » et plus spécifiquement aux liens entre temps et diffusion des savoirs.
« Le savoir crée de nouveaux temps »
« La prise en compte du temps en éducation est un moyen de mieux comprendre les formes particulières que celle-ci prend en fonction des contextes où elle se réalise. » Elle compare notamment le milieu scolaire, le domaine de la santé et la didactique en art. « Transmet-on la danse à de futurs interprètes sur la même durée, avec la même dynamique et la même approche qu’on le ferait pour les tables de multiplication à l’école ? » demande Marie-Pierre Chopin. Instinctivement, la réponse est non. Pourtant, les théories proposées pour parler d’enseignement sont souvent très proches. La chercheure et ses étudiants essayent donc de pallier le manque d’études sur le terrain et d’y voir plus clair. C’est sans doute son passé de danseuse contemporaine semi-professionnelle qui l’a amenée à penser le temps comme un mouvement et à choisir cette thématique de recherche. « On se représente assez facilement les choses fixes. Il est bien plus dur d’appréhender des choses qui bougent », dit-elle.
« La danse, c’est la vie »
Or dans la danse, mouvement et temps semblent indissociables. Bien que la maîtrise d’une danse passe par l’automatisation de pas, son enseignement nécessite une déconstruction en éléments temporels bien plus complexes. Si le temps est une notion clé en danse contemporaine, c’est entre autres parce que, avide de challenge, cet art n’a cessé de tenter de le reconstruire. Marie-Pierre Chopin décrit une « remise en jeu des codes et une quête de musicalité d’un nouveau genre. La danse a compris de façon intuitive que la vie est une transformation perpétuelle. C’est pour cela que la danse, c’est la vie ! » annonce-t-elle en riant. Les danseurs professionnels cherchent à prolonger cette expérience de « régénérescence constante du temps et de l’espace ». L’étude de la pédagogie en danse permettra-elle un jour de découvrir comment démultiplier le temps ? Pas pour le moment, d’après la chercheure, qui souffre elle-aussi d’un manque de temps chronique. Elle rêve « le temps de se perdre pour faire de la recherche, en lisant, en discutant à propos de ce qui ne serait pas directement [son] objet » et conclut en citant Rousseau. « La plus importante règle de toute l’éducation ? Ce n’est pas de gagner du temps, c’est d’en perdre ».