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L'ère du temps, médiation scientifique par les Dealers de Science

Semaine de culture scientifique du 17 au 21 janvier 2017

PORTRAITS DU TEMPS

Ancre 1
L'ère du temps, médiation scientifique par les Dealers de Science - Portraits interviews témoignages Pascal Barrier

Temps de lecture : 2 minutes

Écrit par Antoine Rigaud

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Hors du temps

En 1992, le spéléologue Pascal Barrier a vécu une expérience hors-du-temps : 113 jours, seul, dans la grotte de la Cocalière (Gard) sans aucun repère temporel. Il revient sur cette expérience.

Quelles ont été vos motivations pour vous lancer dans cette aventure ?

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C’était avant tout pour le plaisir, j’étais amateur de sensations fortes. J’avais envie de me dépasser, de vivre quelque chose de nouveau, une aventure humaine et sportive. Il n’y avait pas de prétentions scientifiques. En 1992 il n’y avait déjà plus grand-chose à découvrir en chronobiologie (1), la Nasa avait fait beaucoup d’expériences.

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Une fois dans la grotte, comment organisiez-vous vos journées ?

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J’avais des « cycles » bien organisés avec petit-déjeuner, déjeuner et dîner. Je faisais des activités le matin et l’après-midi (même si dans la grotte ces notions n’avaient aucun sens). J’avais beaucoup d’espace alors je pouvais faire du jogging, du canoë, du vélo… J’avais aussi une caméra avec laquelle je me suis occupé pendant dix cycles.

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Est-ce que vous essayiez d’évaluer le temps qui s’écoulait ?

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Non, au contraire. J’ai fait le maximum pour ne pas avoir d’indication sur l’heure, je n’avais pas de montre, pas de radio, pas de contact avec l’extérieur… Pendant mes mois de préparation, en faisant mes bagages, j’avais pris soin de ne rien prendre qui pourrait me renseigner sur le temps. J’avais même arrêté de me raser car je savais à quelle vitesse poussait ma barbe. Le seul indice que j’ai eu a été la visite de souris qui sont plutôt nocturnes.

En 1962, Michel Siffre, pionnier des expériences hors-du-temps, a montré que sans repère temporel le rythme biologique humain n’est pas de 24 heures mais d’environ 25 heures.

 

Vous êtes-vous rendu compte de ce décalage ?

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Pas du tout. Je connaissais les expériences de Michel Siffre alors je m’attendais à ce décalage mais je n’ai pas ressenti de changement dans mes cycles. Quand l’équipe en surface m’a annoncé que les 100 jours prévus s’étaient écoulés je me croyais au 96e : chaque jour je me levais avec une heure de décalage en plus. J’avais un téléphone à sens unique : je leur disais quand je me couchais et quand je me levais mais, avant le 100e jour, je ne pouvais pas les entendre. C’est impossible de se repérer dans le temps au fond d’une grotte. Un soir je me suis couché à 17 h et je me suis levé à 19 h en pensant avoir fait une nuit complète : j’ai pris mon petit déjeuner et j’ai fait un cycle complet sans être fatigué.

 

En 1995, vous avez fait une seconde expérience hors-du-temps : deux mois dans les souterrains d’Arras avec le spéléologue Jannick Roy.

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Oui, j’avais envie de voir si on obtenait les mêmes résultats en duo et ça s’est vérifié : dès les premiers jours nous avions tous les deux des cycles synchronisés de 25 heures. Pendant quelque temps, nous nous sommes séparés et nous avons conservé ce rythme chacun de notre côté. Pour l’anecdote, lors de notre première nuit à l’extérieur, nous nous sommes retrouvés en même temps dans le couloir de l’hôtel en pleine nuit : nos cycles étaient toujours synchronisés.

 

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(1) discipline qui étudie l’organisation temporelle des êtres vivants

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