Semaine de culture scientifique du 17 au 21 janvier 2017
PORTRAITS DU TEMPS
Temps de lecture : 2 minutes
Écrit par Mathieu Majérus
Vivre les nuits polaires
Aux pôles, l’hiver est une période de l’année bien particulière que l’on appelle aussi « nuit polaire ». Christelle Guesnon est familière de cette vie et raconte ces moments particuliers où le Soleil disparaît pendant six mois.
Christelle Guesnon est une ingénieure en optronique (1) qui a quitté son Ardèche natale pour partir à la découverte des pôles. Ses périples débutent avec l’institut polaire français Paul-Émile-Victor. « Tous les ans s’y ouvrent des opportunités de services civiques au sein de bases scientifiques au pôle Nord et au pôle Sud. Dès la fin de mes études j’ai sauté sur l’occasion. » En octobre 2013, la voilà partie en Antarctique pour une durée d’un an. Elle fait partie de la petite équipe de 25 personnes laissées sur place pour l’hiver jusqu’au retour du bateau… huit mois plus tard. Sa mission consiste à manipuler une sorte de radar à ondes lumineuses qui lui permet de sonder l’atmosphère stratosphérique à coup de laser, appelé Lidar, et de collecter des données sur les aérosols responsables de l’altération de la couche d’ozone. À cette période, le Soleil disparaît presque totalement pendant six mois, tout au plus n’est-il présent que quelques heures pendant la journée. Des conditions qui n’ont pas perturbé plus que cela la jeune femme. « Mon travail devait se dérouler de nuit, j’ai donc eu le temps de m’y habituer. Après il y a une certaine routine qui s’installe et qui fait passer l’hiver d’un seul coup ! Et puis c’est une expérience inédite à l’autre bout du monde, il n’y a vraiment pas le temps d’y prêter attention.»
En avril 2016, elle récidive et obtient son poste actuel à l’institut Alfred-Wegener, au Svalbard en Norvège. Pendant quatorze mois, elle y sera en charge de l’ensemble de l’observatoire.
La ville la plus au nord du monde
Désormais, l’ingénieure habite la petite ville de Ny-Alesund, à 78° Nord. Contrairement à son expérience en Antarctique, le Soleil disparaît complètement durant six mois. « La nuit est tombée en octobre. On ne reverra le jour qu’en mars » dit-elle en rigolant, nullement inquiète à cette idée. « C’est tout de même une période où on est un peu fatigué » avoue-t-elle sans pour autant sembler en souffrir. Mais tout le monde n’a pas la même facilité. Christelle Guesnon reconnaît que dans son entourage, certains ont recours à un simulateur de lever de Soleil. Un stimulus qui permet au corps de retrouver ses repères temporels et de mieux se réveiller, mais qui ne serait qu’une solution temporaire. Car à vivre dans le noir, il est facile de perdre la notion du temps :
« quand je regarde vers les montagnes et que le ciel me semble un tout petit peu moins noir, je sais qu’il est midi». La période de Noël arrivant, elle raconte avec légèreté comment la petite ville de Ny-Alesund va bientôt s’animer plus encore, rythmant davantage son quotidien.
Si l’hiver, la nuit dure six mois, l’été, ce sont six mois de jour qui s’installent. Une situation moins évidente pour la jeune femme. « Le corps est constamment en éveil, on a l’impression de ne pas dormir, de ne jamais vraiment se reposer. » C’est peut être finalement à cette période que le temps passe le plus lentement pour la scientifique.
(1) technique permettant de mettre en œuvre des équipements ou des systèmes utilisant à la fois l'optique et l'électronique