Semaine de culture scientifique du 17 au 21 janvier 2017
PORTRAITS DU TEMPS
Un artisan du temps
Jean-Louis Duverger, un horloger fils d’horloger qui répare les horloges. Il côtoie chaque jour les aiguilles et les tic-tac, essayant à chaque réparation d’appréhender à sa manière le temps.
Sur la façade d’une petite boutique bordelaise sont inscrits ces quelques mots :
« Horlogerie d’Antan : atelier de réparations de pendules anciennes ». Derrière cette
inscription se cache Jean-Louis Duverger, horloger spécialisé dans les pendules
anciennes. Chez lui pas de montres, que des horloges à balancier comme les carillons et
les comtoises que l’on retrouve chez nos grands-parents. Il exerce sa profession depuis
33 ans dans la boutique que son père a créée en 1958.
Depuis toutes ces années, le temps incarne son quotidien. Lors de chaque réparation, il
accompagne, écoute et façonne le temps pour redonner vie aux horloges que ses clients
lui confient. Leurs pendules sont exposées dans sa boutique, attendant de retrouver une
seconde jeunesse et de repartir dans les bras de leurs propriétaires. Ces dernières sont
de tous les types, et proviennent de toutes les époques. Un melting-pot temporel qui le
fascine et grâce auquel il se promène à travers les âges. « Chaque jour j’ai sous les yeux
plusieurs siècles d’aboutissement d’horlogerie, souligne-t-il. Cela rend chaque réparation
unique puisque, suivant les époques, les mécanismes sont différents. »
Lorsque les pièces des vieilles pendules sont endommagées, cet horloger prend soin de
les recréer en respectant fidèlement leur modèle original. Un savoir-faire particulier où il
faut pouvoir limer, tourner, fraiser, ajuster et souder avec minutie. « C’est vraiment un
métier compliqué et certaines choses ne s’apprennent plus dans les écoles d’horlogerie.
Mon métier est amené à disparaître et je vais devoir former moi-même mon
successeur. » Un constat où le temps se met naturellement en perspective.
Le secret du bonheur
Au-delà de l’artisan, et des tâches manuelles qui lui incombent, on retrouve un homme
intrigué par le cœur même de son métier. Bercé par les tic-tac incessants des carillons,
Jean-Louis Duverger se questionne régulièrement sur cette notion singulière qu’est le
temps. Les aiguilles l’observent et l’obsèdent, « c’est vrai que j’ai lu de nombreux livres
sur le temps, raconte-t-il, la plupart traitent de sujets techniques, mais j’aime également
me plonger dans des ouvrages de philosophie et de science ».
Du haut de ses 53 ans, il est apaisé, conscient d’avoir sa propre temporalité et d’avoir
son vécu derrière lui. À cause de son environnement, il est persuadé d’appréhender le
temps différemment des autres. « Quand vous entrez dans ma boutique, vous avez
l’impression d’être hors du temps, vous prenez conscience de son existence. » Il vit
encerclé par les cadrans d’horloge, se confrontant au temps qui passe. Certains
pourraient trouver l’expérience angoissante, mais pour Jean-Louis Duverger, ce n’est
qu’une représentation de son temps intérieur.
Avec les horloges comme conseillères, il a su composer sa propre recette du bonheur.
Une formule qu’il livre en toute simplicité, « le secret de la vie c’est de savoir gérer son
temps, utilisez-le de manière noble, et vous serez heureux ».