Semaine de culture scientifique du 17 au 21 janvier 2017
PORTRAITS DU TEMPS
La tête dans les étoiles
S'il y a bien quelqu'un qui sait ce qu'est le temps, c'est un physicien. Et si comprendre cette notion changeait sa manière de voir le monde ? Entre curiosité extrême, exigence et humour, rencontre à Bordeaux avec David Smith.
C'est dans un bâtiment du CENBG (1), perdu dans une forêt aux couleurs automnales que David
Smith, physicien, étudie les étoiles. Assis derrière un petit bureau croulant sous des piles de
documents, il a les yeux rieurs. Tout autour de lui, les murs bleutés de la petite pièce sont criblés de posters en tout genre. Fièrement, il se lève et montre du doigt une photographie. « Ici c'est Berkeley et là, juste en face, San Francisco. C'est là d'où je viens ». Issu d'une famille de scientifiques voyageurs, il quitte l'Amérique après sa thèse et s'envole pour l'Italie, puis les Canaries, avant de finalement s'installer en France. À Bordeaux depuis plus de 20 ans, le physicien y étudie les pulsars. « Ce sont des minuscules étoiles qui tournent sur elles-mêmes. Elles sont les horloges naturelles les plus précises que l'on connaisse, rien ne les perturbe. »
Loin des clichés que l'on pourrait avoir du physicien solitaire et introverti, David Smith prend
plaisir à expliquer ses recherches, fait des gestes pour aider à comprendre, montre les choses. Mais alors, en quoi étudier des petites étoiles à des milliers d'années lumières de la Terre peut-il altérer la vision du temps ? S'adossant à sa chaise, le chercheur prend alors quelques secondes de réflexion. « Le temps c'est la chose qui s'écoule quand un système change. » Modeste, il ajoute tenir cette définition de l'une de ses lectures. « Je ne suis pas un théoricien. Je me considère plus comme un expérimentateur, j'imagine et je construis des appareils de mesure ».
Le nez en l'air
Se qualifiant d'impatient, il plaisante sur la décennie, la voyant comme l'unité de base pour qu'un
projet en physique aboutisse. « Et puis avec les pulsars j'ai la chance de travailler sur un sujet où
l'on observe rapidement des choses avec des moyens relativement simples ». Enfin, le physicien
admet pourtant qu'une grande partie de son travail tient tout de même de l'imaginaire. « En fait, je pense que je ne vois pas les objets comme la plupart des autres gens. Mes yeux sont comme des rayons X, je regarde toujours ce qu’il y a derrière la chose. C'est une tournure d'esprit très
particulière qui me caractérise en tant que physicien je pense. » Curieux et avide de comprendre le monde qui l'entoure oui, mais ce pas uniquement en physique ! David Smith se dit aussi féru d'histoire, plaçant au cœur de ses préoccupations le fait de savoir « comment on sait ce que l'on sait ». Pour le physicien, connaître le passé aide à comprendre le présent.
« Appréhender un passé plus lointain me fait vivre mon présent différemment. Je veux savoir d'où on vient, où on va, comment marchent les choses. Je lève toujours le nez pour regarder ce qui m'entoure c'est ma manière de voir le monde. » Et puis pour lui, dans l'histoire comme dans la physique, il y a cette part d'émerveillement vis-à-vis de l'inconnu qu'il affectionne tant.
(1) Centre d'études nucléaires de Bordeaux Gradignan, unité CNRS et université de Bordeaux