par les Dealers de Science

Quand Priscilla Bayle raconte ce qui l’a guidée à étudier l’évolution des Hommes, c’est avec un grand sourire et beaucoup d’enthousiasme. À l’origine, une jeunesse proche de la nature dans la campagne de la Haute-Vienne. « J’ai toujours été attirée par les sciences naturelles et les sciences humaines, explique-t-elle. Dès ma première année d’études, j’ai eu envie de faire de la médiation scientifique. » Lancée dans une maîtrise de paléontologie puis dans un master d'anthropologie biologique et Préhistoire (1), elle découvre finalement le métier d’enseignant-chercheur lors d’un stage. S’en suivent de longues études, la faisant notamment passer par Düsseldorf, Paris et Londres. Un parcours condensé et international qui lui permet, à seulement 28 ans, d’obtenir un poste de maître de conférences au laboratoire Pacea (2) de l’université de Bordeaux.

Grâce aux dents, Priscilla Bayle étudie la croissance des enfants pour comprendre l’évolution des Néandertaliens (3) et des Homo sapiens (4). S’intéressant aux derniers 200 000 ans, la paléoanthropologue analyse une phase relativement courte de la lignée humaine, âgée d’environ 6 millions d’années. « Une des caractéristiques d'Homo sapiens est son phénomène d’enfance prolongée par rapport aux primates non-humains, soulève l’enseignante-chercheure. Je m’interroge sur ce que cette longue période de croissance engendre en termes d’apprentissage chez les enfants, de transmission des savoirs. » En lien donc, avec l’évolution des capacités cognitives, cette période le serait aussi avec la complexification des sociétés. « C'est pour savoir si les Néandertaliens avaient ce même type de croissance prolongée que j'analyse leurs dents fossiles. »

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Des vestiges du passé striés

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Se conservant particulièrement bien, les dents croissent en laissant des stries microscopiques de leur propre développement. « Certaines stries se forment même chaque jour, il s’agit donc de chronomètres hyper précis. » Dans l’émail notamment, sont enregistrés des marqueurs dits de « stress ». Ces indicateurs livrent des informations uniques sur les conditions pré- ou post-natales, la maternité ou encore la nutrition. Très rares et précieuses, les dents fossiles sont analysées grâce aux méthodes d’imagerie 3D à très haute résolution. « Ces méthodes permettent d’avoir accès aux structures internes sans détruire ces vestiges du passé », précise-t-elle.

Remonter dans le temps, Priscilla Bayle ne le fait pas seulement à son bureau. Depuis 2013, elle mène chaque année des fouilles dans la grotte Sirogne, à Rocamadour (Lot). Pendant trois semaines, elle encadre des étudiants bénévoles venus dénicher les restes osseux et dentaires d’au moins neuf Néandertaliens découverts dans ce site. Bien qu'il s'agisse d'un travail de fourmi très lent, le rythme du site de fouille est particulièrement soutenu. « Je n’ai jamais autant travaillé que depuis que j’ai été embauchée à Pacea. » Entre recherches, publications, enseignements, encadrements ou encore fouilles préhistoriques, la jeune femme trouve même le temps de renouer avec ses envies d'origine en publiant deux ouvrages de médiation scientifique. Un métier diversifié et passionnant, qui lui convient parfaitement.

 

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(1) paléontologie : science qui étudie les restes fossiles des êtres vivants du passé ; anthropologie biologique : science qui étudie la diversité biologique de l'Homme de ses origines à nos jours avec un accent sur ses interactions avec les environnements naturels et culturels

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(2) De la Préhistoire à l'actuel : culture, environnement et anthropologie (unité CNRS, université de Bordeaux et ministère de la Culture et de la Communication)

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(3) contemporain mais distinct de l'Homme moderne, aurait vécu entre environ 200 000 et 36 000 ans avant le présent

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(4) notre espèce, apparue il y a environ 200 000 ans