Sur les traces des protomachines
Le point commun entre un robot et un arc ? Des milliers d’années d’évolution. Les deux sont des machines selon Michel Pernot, archéologue, ancien chercheur du CNRS à l’université Bordeaux Montaigne, qui en a étudié les origines.
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Lorsqu’on entend le mot « machine », on pense bien souvent à l’industrie et à la robotisation, ou encore à la fameuse machine à vapeur conçue lors de la révolution industrielle du 18e siècle. Une machine peut être définie comme un ensemble de dispositifs destiné à obtenir un but précis atteint par une action dynamique mettant en jeu un travail mécanique. « L’arc est une proto-machine. Il est considéré comme étant la première connue : le bois va emmagasiner de l’énergie élastique et par un effet ressort va servir à lancer la flèche, explique Michel Pernot. Son apparition remonte à la période préhistorique la plus récente qui est le Néolithique. Antérieurement à l’arc se trouve le propulseur, levier pour propulser la sagaie, utilisé pendant le Paléolithique supérieur. Contrairement à la flèche qui nécessite la corde de l’arc, la sagaie peut être lancée à la main : avec cet usage, elle n’est pas une machine mais un dispositif. »
La plupart de nos machines possèdent des dispositifs tournants : que ce soient les roues des voitures, les engrenages des montres ou encore les systèmes de ventilation des ordinateurs par exemple. Ce développement a commencé avec l’apparition des chariots à roues en Europe occidentale il y a environ 6 000 ans. « Des vestiges d’instruments rotatifs tels que la meule sont retrouvés dans l’Antiquité gréco-romaine. Ce qui leur manque, ce sont les systèmes de manivelle qui apparaîtront dans l’Antiquité tardive. »
Céramique, métal, textile et bijoux
Dans la société occidentale, il y a une recherche de productivité et de rendement : on veut produire plus, plus vite et moins cher. « Cette recherche s’ancre dans un passé plus ancien : il se met en place il y a entre 2 000 et 2 500 ans. On va ainsi pouvoir produire des séries, que ce soit de la céramique, du métal, du textile ou encore des bijoux, ce qui nécessite le recours à des machines. Parallèlement, le nombre d’armes utilisées pour la guerre s’accroît. »
Au fil des usages, les machines se voient attribuer d’autres rôles. L’arrivée du numérique a permis de repousser les limites du possible concernant les machines ; paradoxalement, l’industrie du luxe a tendance à aller dans un sens contraire. « Prenons l’exemple des montres de luxe : ce sont des montres mécaniques dont on justifie le prix élevé sous prétexte qu’elles sont construites manuellement quand une montre numérique est plus précise et moins chère. » La dimension esthétique des machines prend de plus en plus d’importance. « Des machines mouvantes ayant pour simple vocation le plaisir des yeux apparaissent. Leur caractère ludique va se développer et ce, indépendamment du goût pour la domination et le profit des sociétés. »
Camille Dupuyds