Le brevet, rouage de l’économie
Le brevet d’invention est un titre de propriété industrielle. Mais il ne suffit pas à garantir la réussite commerciale d’un produit. Explications avec Julie Baraké et Manuela Vayssettes de l’association d’inventeurs Transtech.
© USPTO Patent Full-Text and Image Database
«Le brevet d’invention est un titre de propriété intellectuelle parmi d’autres », explique Manuela Vayssettes, chargée du suivi des projets à Transtech. « Différente de la propriété littéraire et artistique, la propriété industrielle protège les créations plus techniques. » Elle regroupe plusieurs titres : la marque, les dessins, les modèles et le brevet. Ce dernier a pour but de « garantir l’exclusivité d’exploitation au titulaire pendant vingt ans ». Tout le monde peut en déposer : personne physique ou morale comme des entreprises.
Mais pour qu’une demande soit acceptée, elle doit respecter trois critères : la nouveauté, l’applicabilité industrielle et l’inventivité. Transtech est alors là pour « accompagner les porteurs de projets qui ont l’impression d’avoir trouvé une solution inventive », explique Julie Baraké, co-directrice de l’association. « Nous allons valider l’idée, aider le porteur de projet à faire une recherche d’antériorité, à établir un business plan si possible et parfois à débuter une création d’entreprise ou un transfert. » Ce transfert consiste à trouver une entreprise qui serait intéressée pour exploiter l’invention par une cession de droits. Le titulaire du brevet estime son prix et le vend en fonction de son potentiel.
L’inventeur peut donc être différent de l’exploitant. Mais attention, déposer n’est pas exploiter ! Un brevet ne fait pas la réussite commerciale de l’invention. Ce n’est pas une autorisation de mise sur le marché. « Le dépôt de brevet est un chronomètre qui se déclenche, insiste Manuela Vayssettes, c’est pour cela qu’il faut avoir une vision large sur la première année du brevet, tant sur les aspects techniques que juridiques et surtout économiques. »
L’obsolescence des brevets
Avant que le brevet ne tombe dans le domaine public, l’exploitation exclusive est garantie à condition d’entretenir le titre en payant des annuités. La durée de vie moyenne d’un brevet est beaucoup plus courte : sept ans. Il devient vite obsolète car le marché propose d’autres solutions.
De plus, un brevet confère une protection territoriale. Si le projet veut s’exporter ne serait-ce qu’en Europe, il faut que la demande soit examinée dans chaque pays ciblé. Manuela Vayssettes témoigne de la complexité du système : « Nous accompagnons un porteur de projet qui a déposé un brevet intéressant. Beaucoup pensent chez Transtech qu’il a un fort potentiel économique. Mais cet homme a cinquante ans, il a un poste dans une société qu’il adore, et il n’arrive pas à décider de l’avenir de son brevet ». Le projet ne peut se limiter à un dépôt de brevet et doit être solide dans son ensemble, sa stratégie d’exploitation bien réfléchie. Mais parfois, ce n’est pas le brevet qui est utilisé par les entreprises pour protéger leurs inventions de manière efficace. Elles préfèrent garder leurs secrets à la manière des recettes de grand-mères.
Estelle Baude