Intimes robots
Les progrès technologiques posent la question d’une nouvelle relation entre humains et machines : le sexe, et pourquoi pas l’amour ? Le sexologue Claude Esturgie donne sa vision des robots sexuels.
©Robots Realbotix, montage Mariane Harmand
L’intelligence artificielle (IA) et beaucoup de capteurs, voilà ce qui a permis aux célèbres poupées sexuelles japonaises de devenir de véritables robots. En 2010, les premiers robots sexuels Roxxxy et Rocky, jouets permettant la mise en scène de quelques fantasmes, étaient encore considérés comme une forme de masturbation. Mais depuis 2017, les poupées réalisent plus de cinquante positions sexuelles différentes, simulent l’orgasme, tiennent une conversation, racontent des blagues et sont de véritables partenaires de substitution. Sergi Santos, créateur de Samantha, veut même avoir un enfant-robot avec sa femme-robot. Quelles seront les conséquences éthiques et psychologiques des robots sexuels intelligents dans notre société ? Les recherches et les réflexions à ce sujet sont encore peu communes et les réponses sont très controversées.
Plus de sexe, moins de réalité
Pour Claude Esturgie, sexologue et vice-président de la Société française de sexologie clinique, un rapport sexuel avec un robot représente le fétichisme sous sa forme la plus totale : déplacer son désir et son excitation sur un objet. « La marchandisation du sexe crée un besoin et l’humain confond la qualité d’une relation sexuelle avec sa quantité. Il existe une véritable consommation du sexe pouvant être à l’origine de dépendance et d’isolement social. » Il explique que les robots sexuels sont dangereux, notamment car ils peuvent entraîner une déréalisation de l’humain, du sexe et de l’amour. « Un Homme pourra tomber amoureux de son robot et même se croire aimé en retour, ses sentiments seront réels mais délirants. » Il semble que nous confondions nos fantasmes avec ces substituts. « C’est regrettable, pense Claude Esturgie. Le virtuel ne fait que remplacer le réel, c’est l’imaginaire qui le transcende. »
Malgré les énormes progrès en robotique et le perfectionnement de l’IA, le sexologue pense que les robots sexuels resteront palliatifs : « L’IA aura toujours une limite : l’intelligence humaine utilise l’ensemble du corps, nos hormones et notre fragilité. » Selon lui, ces machines humanoïdes ne peuvent pas être une solution pour traiter les dépendances sexuelles et entraîneraient de nouveaux problèmes. « Même avec une professionnelle dont on paye les services, une relation humaine plus ou moins forte s’établit de façon particulière et variable : l’Homme ne peut pas remplacer de véritables baisers par des poupées mécaniques recouvertes de silicone. » Leur seule utilisation raisonnable serait l’assistance des grands handicapés mentaux, dépendants des autres pour toute satisfaction sexuelle. Mais pour Claude Esturgie la différence reste totale : « Avec un robot vous ne retrouverez jamais ces choses comme les réactions humaines, le grain de la peau, le goût d’une bouche, le parfum d’une chevelure et la puissance du sexe. »
Mariane Harmand