Métaux rares : l’envers du développement durable
À l’heure de la transition énergétique et numérique, les terres rares sont considérées comme stratégiques. Discussion avec Sophie Leleu, docteure en géologie.
© Google Earth - DigitalGlobe
Les machines naissent de l’esprit humain et sont façonnées par les ressources que la planète met à notre disposition. « Aujourd’hui, les nouvelles technologies sont composées d’alliages métalliques de plus en plus complexes », explique Sophie Leleu, docteure en géologie et enseignante à l’École nationale supérieure en environnement, géoressources et ingénierie du développement durable. Parmi les nombreuses ressources géologiques « renouvelables » et plus « propres » utilisées pour fabriquer les machines de demain, il y a les terres rares. Elles désignent dix-sept métaux aux propriétés indispensables à la production des hautes technologies (batteries de voitures électriques, puces de smartphones, écrans d’ordinateurs portables, panneaux photovoltaïques, éoliennes, capteurs de radars ou encore missiles).
« Il faut savoir que lors de l’extraction et du raffinage des terres rares, comme pour les autres métaux, des éléments toxiques sont rejetés dans l’environnement : des métaux lourds, de l’acide chlorhydrique, des sulfates et des éléments radioactifs », souligne la géologue. Aujourd’hui, c’est la Chine qui a le monopole sur l’industrie des terres rares, avec 90 % de la production mondiale (alors qu’elle ne compte que 30 % des ressources du globe) et qui assume le coût écologique considérable de cette exploitation minière. Les machines d’aujourd’hui et de demain impliquent un usage intensif des terres rares pour leur fabrication.
Il est alors difficile de présenter les voitures électriques comme une technologie « propre » ou encore l’énergie produite par les éoliennes comme une « énergie verte ». En réponse à l’explosion du prix des terres rares en 2010, liée à des craintes de pénurie au niveau mondial, de nombreux gouvernements et industriels ont décidé d’augmenter les efforts en termes de substitution et de recyclage de ces métaux pour restreindre leur dépendance aux approvisionnements chinois.
Recycler plutôt que produire
Malgré l’engagement de nouvelles prospections, par exemple dans les fonds marins du Pacifique à la recherche de nodules polymétalliques ou encore l’exploration extraterrestre, « les ressources du futur se trouvent dans le recyclage des déchets électroniques pour extraire les terres rares et les réutiliser ». Même s’il est aujourd’hui impossible de recycler entièrement un smartphone pour dissocier les mélanges de métaux que l’on peut retrouver à l’intérieur, « la recherche en termes d’innovation et de procédés continue en ce sens pour modérer l’extraction des terres rares des gisements naturels ».
Il serait plus juste d’orienter le discours de la transition énergétique et numérique en parlant de gestion durable des ressources plutôt que de développement durable qui suggère malgré tout une croissance sans fin.
Thomas Boniface