Des données numériques énergivores ?
Les données numériques sont invisibles et circulent en continu. Olivier Coulaud, directeur de recherche d’Inria Bordeaux Sud-Ouest, met en lumière leur aspect bien matériel.
© Marilou Bourdeux
Chaque jour, notre activité numérique produit des millions de données. Même si celles-ci peuvent nous paraître virtuelles, elles ont un coût énergétique. Il y a d’abord le cas des données scientifiques. « Nous nous en servons pour résoudre un problème précis. Nous travaillons avec des données que nous connaissons qui sont très structurées et faciles à traiter, comme des chiffres par exemple. » explique Olivier Coulaud. Mais les données qui entourent la plupart des personnes connectées aujourd’hui sont beaucoup moins ordonnées. « Il peut s’agir des e-mails, des flux d’informations émis par les caisses dans les supermarchés, des transactions bancaires ou des appareils à bord des avions », énumère le chercheur.
Des machines sont alors nécessaires pour collecter, stocker, analyser et enfin visualiser toutes les données produites : les ordinateurs. Mais pour faire face à l’explosion des données, ces derniers se sont améliorés, et l’énergie nécessaire à leur fonctionnement a augmenté. « L’idée est venue de tout regrouper : l’informatique des hôpitaux, des municipalités, des entreprises. Le but était de rationaliser les coûts annexes qui sont principalement l’électricité, le refroidissement et la sécurité. Pour stocker l’ensemble de ces données, des supercalculateurs et datacenters ont été mis au point », explique Olivier Coulaud. D’un point de vue matériel, il s’agit « de grandes salles où sont disposés une multitude d’ordinateurs qui ne sont pas connectés entre eux, afin que personne n’ait accès à des données dont il n’est pas propriétaire ».
Finalement, ces données que nous manipulons ont des coûts qui sont impressionnants. Si nous les ramenons à notre échelle, cela donne vite le tournis. Les serveurs de Google et de Facebook ont une consommation électrique qui équivaut à celle d’une ville comme Bordeaux. « Il est évident que la simplicité a un coût », ajoute le chercheur. « Souvent, lorsque nous cuisinons, nous cherchons notre recette sur le web plutôt que de récupérer le papier sur lequel nous l’avions notée. » Cette requête sur Google consomme l’équivalent d’une ampoule que l’on allumerait une quinzaine de secondes.
Stop aux données ?
Mais est-ce qu’il y aura un jour une limite à ces données ? « Non. » La réponse est immédiate. « Il va y avoir une explosion de leur volume, mais la grande difficulté réside dans le traitement de l’information ». Olivier Coulaud se replace dans son domaine de recherche qui évolue beaucoup car « les gens se rendent compte que pour traiter toutes ces données, il faut des ordinateurs de plus en plus puissants qui nécessitent de plus en plus d’énergie. Mais celle-ci n’est pas illimitée : il est urgent de trouver de nouvelles solutions. »
Chacun peut alors, à son échelle, influencer son impact numérique en réduisant ses échanges via Internet ou en rallongeant la durée de vie de ses appareils numériques. Il ne va pas de soi d’imaginer que l’informatique peut être éco-responsable.
Marilou Bourdreux