Le cerveau éclairé
Au Neurocentre Magendie, unité bordelaise de l’Inserm, la docteure Anna Beyeler et son équipe de recherche étudient les circuits neuronaux de l’anxiété grâce à l’optogénétique.
© Anna Beyeler
Anxieux ? Stressé ? Déprimé ? Et si ces émotions pouvaient se contrôler à l’aide d’un bouton on/off modulant l’activité neuronale responsable de ces états ? Grâce à l’optogénétique qui combine l’optique et la génétique, l’équipe d’Anna Beyeler module l’anxiété des souris. C’est par cette méthode que certains nœuds du réseau de neurones impliqués dans la régulation du comportement anxieux chez la souris ont premièrement été identifiés.
Les scientifiques à l’origine de l’optogénétique ont d’abord observé la Channelrhodopsine, une protéine sensible à la lumière bleue, originellement présente chez l’algue Chlamydomonas reinhardtii. Intégrée dans les neurones de la souris, cette protéine les rend sensibles à la lumière après quelques semaines d’incubation. Afin de tester le rôle d’un groupe de neurones identifié dans des comportements anxieux chez les souris, une fibre optique est ensuite positionnée au-dessus des neurones exprimant la Channelrhodopsine. Enfin, une petite carte électronique, l’Arduino, est utilisée pour contrôler la fréquence d’impulsions lumineuses générées par un laser ou une LED de couleur bleue et transmise aux neurones à travers la fibre optique. Grâce à la Channelrhodopsine, les impulsions lumineuses modulent ainsi l’activité des neurones ciblés et les chercheurs peuvent ensuite mesurer en direct les changements comportementaux des rongeurs. Par ce procédé, il est donc possible de diminuer le niveau d’anxiété d’une souris.
Mais les recherches ont seulement permis d’identifier les circuits impliqués dans l’anxiété physiologique et non pathologique. « Le trouble anxieux intervient lorsqu’il prend le dessus sur d’autres fonctions vitales comme, par exemple dans nos sociétés, le travail. Notre objectif est de comprendre les mécanismes d’altération du réseau qui mènent à cette anxiété pathologique. »
L’optogénétique permet donc la compréhension des circuits cérébraux, mais son application thérapeutique à l’humain reste hasardeuse. « En effet, ceci impliquerait une modification génétique du cerveau humain, ce qui n’a jamais été réalisé. De plus, c’est une méthode invasive qui nécessite l’implantation intra-cérébrale d’une source de lumière. »
D’après Anna Beyeler, la régulation spécifique de l’activité neuronale de circuits identifiés chez l’humain ne se fera sûrement pas grâce à l’optogénétique, mais plutôt par des techniques moins invasives telles que la chémogénétique. Celle-ci repose également sur la modification génétique de neurones cibles, mais cette fois pour les rendre sensibles uniquement à une molécule spécifique contenue dans un médicament. Contrairement à l’optogénétique où la source lumineuse est disposée sur les neurones, la chémogénétique ne nécessite pas d’implantation conséquente dans la zone cérébrale concernée. L’optogénétique, technique plus invasive mais avec une meilleure résolution temporelle, restera probablement exclusivement réservée à la recherche.
Jeanne Ysnel